Le succès d’un réseau de franchise repose sur la vitalité de ses membres. Or, l’entreprise franchisée, comme toute entité économique, est soumise au cycle de vie de son dirigeant.
Le temps qui passe confronte inéluctablement les franchisés aux questions de la transmission en franchise de leur entreprise – que ce soit par cession du fonds de commerce, des titres de société (en tout ou partie), ou par transmission familiale – en vue d’une retraite ou dans l’anticipation d’une succession.
En parallèle, le franchiseur lui-même n’est pas à l’abri des mêmes dynamiques. Le vieillissement de la tête de réseau, la nécessité de capitaux frais, ou la volonté des fondateurs de se retirer peuvent mener à une cession de la société franchiseur, à l’entrée de fonds d’investissement (fonds de pension, private equity) ou à une transmission managériale.
Dans un secteur où le contrat de franchise est fondamentalement intuitu personae, ces événements majeurs, tant chez le franchisé que chez le franchiseur, créent un climat anxiogène considérable et appellent une gestion stratégique rigoureuse pour maintenir l’équilibre et la confiance au sein du réseau.
L’enjeu de la transmission chez le franchisé : préparer la sortie et sécuriser la continuité
Pour le franchisé, la transmission de son entreprise est un acte souvent unique et crucial, impliquant des enjeux financiers, fiscaux et, surtout, contractuels vis-à-vis du franchiseur.
Les motivations et les modalités de la transmission
La transmission peut prendre plusieurs formes, dépassant la seule vente du fonds de commerce :
- Cession des titres de la société d’exploitation (SARL, SAS, etc.) : plus fréquente pour les entreprises matures, cette cession est fiscalement avantageuse et permet de transmettre l’intégralité de la structure juridique.
- Cession du fonds de commerce : cession de l’actif (clientèle, bail, matériel, droit au contrat de franchise et agrément).
- Transmission familiale : donation-partage, pacte Dutreil (sous conditions), ou vente au conjoint/enfants.
- Ouverture du capital : cession minoritaire ou majoritaire à un associé ou un tiers pour financer un nouveau projet ou organiser une sortie progressive.
Le rôle central du franchiseur et la clause intuitu personae
L’existence d’un lien contractuel fort intuitu personae place le franchiseur au cœur du processus de transmission. Le contrat de franchise prévoit systématiquement :
- Le droit d’agrément du repreneur : le franchisé ne peut céder son entreprise avec le contrat de franchise (fonds ou titres) qu’après avoir obtenu l’accord exprès du franchiseur sur la personne du repreneur.
- Ce droit est légitime, car la pérennité du réseau dépend de la qualité du nouveau franchisé (compétences, adhésion aux valeurs, capacité financière). C’est ici que l’expertise devient cruciale pour valider le profil du candidat.
- L’obligation de souscrire un nouveau contrat : le repreneur doit généralement signer un nouveau contrat de franchise aux conditions tarifaires et normatives en vigueur à la date de la cession.
Bon réflexe pour le franchisé : L’anticipation et la valorisation.
Le franchisé doit engager la réflexion très en amont de la date de sortie souhaitée. Il doit s’assurer que son entreprise est « transmissible » en mettant à jour ses outils de gestion, en clarifiant ses baux, et en s’assurant de la conformité de son exploitation aux standards du réseau via un audit. Une entreprise bien préparée et alignée sur le concept est mieux valorisée et facilite l’agrément.
Bon réflexe pour le franchiseur : la transparence et l’accompagnement.
Le franchiseur doit établir une politique d’agrément claire et objective, non discriminatoire. Il est dans l’intérêt du réseau d’accompagner les franchisés cédants (mise en relation avec des repreneurs, formation aux repreneurs familiaux) pour éviter que les unités ne sortent du réseau ou ne se vendent à bas prix, ce qui nuirait à la valorisation globale. Un refus d’agrément abusif ou non motivé pourrait engager sa responsabilité.

L’enjeu de la transmission du franchiseur : L’onde de choc sur le réseau
Lorsque la société franchiseur est elle-même cédée, les conséquences sont potentiellement plus déstabilisatrices pour l’ensemble du réseau, car les franchisés ont initialement contracté avec un fondateur ou une structure en laquelle ils avaient une confiance personnelle.
La crainte légitime des franchisés
La transmission de la tête de réseau peut être vécue comme une menace par les franchisés :
- Changement de stratégie : l’arrivée d’un fonds de pension ou d’un nouveau management peut induire des objectifs de rentabilité à court terme, une remise en cause des méthodes de travail, ou une diminution de l’investissement dans l’animation et l’innovation.
- Perte de l’esprit initial : le fondateur étant la figure tutélaire du concept, son départ est souvent synonyme de perte des valeurs initiales et de l’âme du réseau.
- Risque de non-renouvellement : à l’échéance de leur contrat, les franchisés pourraient craindre de devoir signer un nouveau contrat avec un repreneur qu’ils ne connaissent pas ou n’apprécient pas, pouvant les inciter à quitter le réseau.
Les mécanismes juridiques de sécurisation
Juridiquement, l’identité du franchiseur est aussi protégée par l’aspect intuitu personae. Cependant, le contrat prévoit généralement la cessibilité du contrat de franchise au profit du repreneur de la société franchiseur (cession de la créance contractuelle). Néanmoins, certains contrats peuvent prévoir des clauses spécifiques, offrant aux franchisés des portes de sortie en cas de changement de contrôle majeur, mais ces clauses restent rares et complexes à mettre en œuvre.
Bon réflexe pour le franchiseur cédant : l’organisation de la transition
Le franchiseur doit impérativement associer les instances représentatives des franchisés (Comité Consultatif, Association) au processus, le plus en amont possible et dans le respect des contraintes de confidentialité (NDA). La présentation anticipée du repreneur, la garantie du maintien des équipes opérationnelles clés, et l’engagement du repreneur à respecter le plan de développement existant sont cruciaux. Il ne s’agit pas seulement d’une obligation légale (information sur le changement d’actionnaire) mais d’un impératif de légitimité et de confiance.
Bon réflexe pour le franchiseur repreneur (fonds d’investissement, tiers) : L’engagement sur le concept.
Le repreneur doit démontrer une forte adhésion au concept et à l’historique du réseau. Il doit s’engager publiquement à investir dans l’animation, la logistique et l’innovation. Souvent, la présence du fondateur cédant, même pour une courte période de transition ou dans un rôle consultatif, est essentielle pour rassurer le réseau.
Les bons réflexes pour un équilibre durable du réseau
La transmission en franchise, qu’elle soit ascendante (franchisé) ou descendante (franchiseur), doit être gérée comme un projet de réseau.
| Acteur | Problématique clé | Le bon réflexe |
| Franchisé cédant | Agrément du repreneur et valorisation | Anticipation et constitution d’un dossier d’agrément robuste : Présenter un repreneur formé, financièrement solide, et ayant déjà été préqualifié par le franchiseur (si le franchiseur propose des candidats) |
| Franchiseur (vis-à-vis du franchisé) | Sécurité de la personne (qualité du repreneur) | Formalisation des critères d’agrément : avoir des grilles d’évaluation objectives (financière, managériale) pour justifier l’agrément ou le refus. Faciliter la transmission interne (ex : salarié devenant franchisé) |
| Franchiseur cédant | Confiance du réseau et maintien des contrats | Transparence et accompagnement de la cession : communiquer personnellement avec les leaders du réseau. Intégrer la question des renouvellements de contrats dans le prix de cession pour garantir l’engagement du repreneur |
| Franchisés face au changement de franchiseur | Perte de l’intuitu personae | Dialogue et veille contractuelle : les instances représentatives doivent demander des garanties écrites au nouveau franchiseur sur les investissements et la stratégie. Examiner attentivement les conditions de renouvellement futur. |
La gestion dans le temps des fonds de commerce et des entreprises franchisées n’est pas un risque, mais une étape naturelle de la vie d’un réseau. Elle nécessite une approche juridique, financière et relationnelle extrêmement fine.
L’équilibre du réseau repose sur la capacité du contrat de franchise, et des pratiques du franchiseur, à sécuriser la confiance à la fois dans la personne du franchisé (par l’agrément) et dans la personne du franchiseur (par la transparence et l’engagement stratégique). L’anticipation, la transparence et le respect des critères objectifs constituent les fondations d’une transmission réussie, garantissant la pérennité du concept et la vitalité de l’écosystème de la franchise.
Aider vos franchisés lors des transmissions de fonds ou de titres ou, en votre qualité de franchiseur, organiser la préemption de fonds ou organiser la restructuration de votre tête de réseau ?