Pourquoi un diagnostic des risques en franchise est indispensable pour un franchiseur
Le plus grand risque, pour un franchiseur, n’est pas d’avoir des risques, mais de ne pas les voir.
Un diagnostic des risques en franchise et plus généralement au sein d’un réseau organisé est un outil de management pour un dirigeant pragmatique. Il permet d’identifier les fragilités d’un réseau avant qu’elles ne se transforment en litiges coûteux et destructeurs de la valeur créée.
Derrière la vitrine : les fragilités d’un réseau de franchise
Un réseau de franchise peut impressionner de l’extérieur :
- une marque reconnue,
- un concept éprouvé,
- une croissance maîtrisée.
Autant d’éléments qui donnent l’image d’une mécanique bien huilée. Pourtant, derrière cette apparente stabilité, les contentieux entre franchiseurs et franchisés sont bien réels quand les fondamentaux des réseaux organisés ne sont plus respectés avec rigueur.
Ces litiges n’apparaissent pas du jour au lendemain. Ils sont souvent le résultat d’une somme de petites dérives : un contrat qui vieillit mal, un document d’information précontractuelle (DIP) laissé sans mise à jour, une animation du réseau qui perd de son intensité, ou encore des tolérances accordées à certains franchisés qui deviennent des « acquis » difficiles à remettre en cause.
Pris isolément, ces écarts peuvent sembler anodin. Accumulés, ils sont susceptibles de finir par fragiliser le réseau tout entier. Le dirigeant averti sait qu’un audit régulier des risques est la seule manière de prévenir ces dérives. C’est moins une obligation juridique qu’un acte de bonne gouvernance : un instrument de lucidité qui permet de mesurer l’écart entre ce que l’on croit maîtriser et ce que l’on maîtrise réellement.
Définir le terrain de jeu de la franchise
Définir le terrain de jeu de la franchise
La franchise repose sur un contrat singulier, structuré autour de trois piliers : une marque, un savoir-faire, une assistance. Pour être juridiquement protégé, le savoir-faire doit être secret, substantiel et identifié [1] S’il cesse d’être formalisé ou de se renouveler, il perd son assise juridique. Or, un savoir-faire « fossilisé » est le premier signal d’alerte : il devient contestable, et les franchisés peuvent s’en détourner notamment si l’immobilisme du franchiseur fait perdre à ses adhérents des parts significatives de marché.
Le rôle du franchiseur est donc délicat : Il doit imposer l’homogénéité du concept, car c’est elle qui fonde l’image de marque auprès des consommateurs. Mais il doit aussi respecter l’indépendance juridique et économique du franchisé. Trop d’interventionnisme, et le risque est celui d’une requalification en contrat de travail ou d’une reconnaissance de dirigeant de fait. Trop de distance, et c’est l’accusation de défaut d’animation qui surgit.
Autrement dit, la relation franchiseur–franchisé est une affaire d’équilibre. Et comme tout équilibre, il est fragile.
Le diagnostic des risques sert à mesurer si cet équilibre est encore tenu… ou déjà menacé.
Les principales zones de risques pour un réseau de franchise
Animation et homogénéité du réseau
Un réseau sans animation est un réseau qui peut vite perdre en cohésion. Les franchisés qui ne se sentent pas accompagnés, se désengagent, se replient sur leur pratique individuelle et finissent par contester la valeur de la redevance qu’ils versent.
Les juges n’hésitent pas à sanctionner ce défaut d’animation. La Cour de cassation [2], a condamné un franchiseur qui n’avait fourni aucune aide conforme au contrat ni effectué de visites régulières, s’était borné à envoyer des messages de relance de paiements, et avait même coupé l’accès aux commandes du franchisé. Ces éléments ont caractérisé un manquement flagrant à l’obligation d’assistance (d’“animation” du réseau).
À l’inverse, un excès de tolérance est tout aussi périlleux. Lorsqu’un franchiseur accepte pendant plusieurs années des écarts aux normes du réseau, il est susceptible d’encourir le risque de voir le juge constater une renonciation tacite, si cette dernière n’est pas équivoque.
L’animation doit donc être régulière, cohérente, homogène.
L’auditeur externe qui garantit l’anonymat des échanges, est un confident qui peut détecter les signaux faibles. Son diagnostic des risques permet de mesurer si l’animation est vécue comme une contrainte ou comme une valeur ajoutée.
Dans le premier cas, le risque est latent, dans le second, la cohésion est renforcée.
Bien entendu, au-delà de la maîtrise des risques juridiques, c’est avant tout la performance économique, individuelle et collective, qui sera recherchée par l’action des animateurs du réseau.
DIP et Contrat
Le premier risque est le plus simple à identifier, mais aussi le plus fréquent : l’obsolescence documentaire.
Le DIP (Document d’Information Précontractuelle), prévu par l’article L. 330-3 du Code de commerce, doit fournir au candidat franchisé une information « sincère et loyale ». Trop souvent, ce document reste figé dans le temps. Or, un DIP qui n’est pas régulièrement mis à jour constitue une source significative de contentieux : comptes sociaux qui datent de plus de deux ans, un état général ou local du marché dont les données sont obsolètes, le tableau des adhérents qui ont quitté le réseau non mis à jour …
Le contrat lui-même peut se révéler dangereux lorsqu’il n’a pas été révisé périodiquement. Des clauses autrefois classiques sont aujourd’hui sanctionnées pour déséquilibre significatif [3]. Par exemple, la Cour de cassation [4] a invalidé pour déséquilibre significatif une clause de résiliation permettant de mettre fin au contrat de façon unilatérale et imprévisible.
Mais le véritable risque réside le plus souvent dans l’écart entre le contrat et la pratique que dans les clauses du contrat elles-mêmes. Lorsqu’un franchiseur n’applique pas ses propres obligations (animation, assistance, mise à jour du savoir-faire), il se place lui-même en situation de manquement contractuel.
Un contrat solide ne suffit pas : encore faut-il l’appliquer avec rigueur.
Risques liés au concept et à son évolution
Un concept qui n’évolue pas est condamné à disparaître. Dans un monde où les consommateurs changent vite, où les attentes de services, de digitalisation et de durabilité s’accélèrent, un réseau qui n’innove pas perdra immanquablement de son attractivité.
Si la formation initiale est liée à la transmission du savoir-faire, la formation continue est liée aux évolutions du savoir-faire. Le franchisé, tenu par le contrat de respecter le modèle, est impuissant devant l’inaction du franchiseur.
Le franchisé peut se retrouver coincé entre le respect des clauses qui le lie au franchiseur et être le spectateur passif d’un marché en mouvement. Face à cette situation, la survie du franchisé passera par une rupture contractuelle qui sera parfois aussi nécessaire qu’hasardeuse.
Même danger sur la communication : une enseigne qui laisse cohabiter des campagnes nationales sophistiquées et des supports locaux bricolés brouille son image.
L’unité de concept est la promesse de la franchise. Sans elle, l’image de marque s’efface, les franchisés n’adhèrent plus à la stratégie globale, les consommateurs ne s’y retrouvent plus.
Economie et finances du réseau
Les réseaux de franchise reposent sur un partage de valeur subtil. Les franchisés acceptent de contribuer financièrement à la tête de réseau parce qu’ils estiment que celle-ci crée une valeur réelle qu’ils ne pourraient générer seuls.
Mais encore faut-il que cette valeur soit tangible et transparente.
La négociation fournisseurs est à cet égard emblématique. Lorsqu’un franchiseur capte des remises sans en expliquer la répartition, la défiance s’installe. Les tribunaux ont plusieurs fois rappelé l’exigence de transparence, sanctionnant un franchiseur qui ne justifiait pas de l’usage des ristournes obtenues, notamment lorsque la tête de réseau intervient comme centrale de référencement ou lorsqu’elle intervient en qualité de centrale d’achat mandatée par ses adhérents pour procéder aux achats en leurs noms et pour leur compte.
Inversement, une tête de réseau dont les coûts de structure explosent de manière incontrôlée au regard d’un plan de développement insuffisant peut être tentée d’augmenter ses redevances. Là encore, les risques se multiplieront, qu’ils soient juridiques (déséquilibre économique) ou managériaux (désengagement face à un écart de valeur entre le prix et la réalité hors marché des services).
Le diagnostic économique permet de répondre à une question simple mais essentielle : la valeur créée par la tête de réseau est-elle perçue par les franchisés comme équitable et légitime ?
Relations humaines et culture de réseau
Le droit ne dit pas tout. La relation humaine compte autant si ce n’est plus, que le contrat.
Manque de lien, de pédagogie, d’empathie. L’éloignement progressif du franchiseur conduit certains franchisés à ne plus percevoir la valeur ajoutée des équipes support. Ils paient, mais ne comprennent plus ce qu’ils reçoivent en retour.
À l’inverse, certains franchisés s’éloignent eux-mêmes du collectif : ils désertent les formations continues, n’assistent plus aux conventions nationales ou aux comités régionaux. Peu à peu, ils deviennent des électrons libres, coupant le lien collectif.
Le risque est alors double : une perte de cohésion culturelle et une montée des contestations individuelles.
Un réseau de franchise ne vit que par son homogénéité. L’audit relationnel et culturel est l’occasion de prendre le pouls du collectif, au-delà des seuls indicateurs financiers et de mesurer la qualité des échanges entre les adhérents du réseau et les équipes en charge de l’animation.
Conclusion : voir ses risques pour rester maître de son réseau
Auditer un réseau, ce n’est pas chercher des fautes : c’est confronter le discours à la réalité.
- Entre ce que dit le contrat et les pratiques réelles,
- Entre la valeur créée et la valeur perçue,
- Entre l’ambition affichée et le quotidien des franchisés.
Un diagnostic des risques en franchise, mené avec rigueur, permet de révéler les angles morts, les fragilités et les zones de tension.
Sa valeur, c’est de prévenir les litiges tout en renforçant la cohésion du réseau.
Citation à retenir :
“Le droit n’est pas une contrainte, c’est un outil de gouvernance.”
Références :
[1] Règlement (UE) 2022/720 du 10 mai 2022, art. 1, § 1, j
[2] com., 13 juin 2018, n° 16-27.209
[3] art. L. 442-1, I, 2° C. com.
[4] com., 28 février 2024, n° 22-10.314
Les avantages d’un diagnostic des risques en franchise
Identifier les vulnérabilités
Repérez les points faibles de votre réseau pour anticiper et minimiser les risques.
Restez maître de votre réseau
Sécurisez les échanges entre franchiseur et franchisés pour créer un climat de confiance.
Facilitez le management
Cultivez un environnement propice à l'innovation dans votre franchise, en gouvernant un réseau structuré et solide. Une approche préventive vous crée une "base réseau" solide.